“Ticket” : une claque théâtrale pour revivre la tragédie des migrants – Thierry voisin
25/04/2016
Théâtre : 10 pièces hors normes à voir en ce moment à Paris
TICKET –
« Là-bas, y aura du travail pour tout le monde. Y a qu’à se baisser pour en trouver. » C’est la promesse faite aux immigrés clandestins qui prennent un ticket pour l’Eldorado. Le périple n’est pas de tout repos, les embûches multiples et les conditions de transport abominables. Entassés dans l’obscurité d’un semi-remorque, une cinquantaine de spectateurs vit au plus près du réel ce qu’affrontent chaque jour des milliers de migrants. Une expérience physique, sauvage, hantée par les témoignages de Clandestine, Mohand et Meng. Un véritable coup de poing dans les préjugés et les bonnes consciences, qui révèle sans détour, et mieux qu’un reportage ne saurait le faire, l’horrible tragédie du XXIe siècle.
http://www.telerama.fr/sortir/theatre-10-pieces-hors-norme-a-voir-en-ce-moment-a-paris,141351.php
«Ticket»: dans la peau d’un migrant, entre théâtre immersif et documentaire
Stradda – fevrier 2016 par Thomas HAHN
« L’immersion dans le réel »
…/… Le risque de l’intervention. Dix ans plus tard Jack Souvant et son collectif du Bonheur Intérieur Brut (BIB) mènent une enquête auprès de migrants en partance à Calais et à Agadez (Niger) , voyageurs qui parfois meurent sur la route, asphyxiés dans un camion comme à Douvres en 2000, ou sur une autoroute autrichienne en 2015. Le drame du port de Douvres a poussé Souvant à créer TICKET, dés 2008. Les cinquantes convives qui rentrent dans le vrai-faux container de Ticket pour partir en transit clandestin vivent une certaine idée de la terreur de ceux qui jouent réellement leur vie. Dans le noir on n’est ni spectateur, ni visiteur, mais tout aussi dépossédé que le migrant. L’obscurité permet aux comédiens de jouer un viol de façon réaliste et de placer chaque personne embarquée à un endroit où elle est à l’épreuve d’elle-même. Faut-il alors intervenir au risque de sa propre peau ? Le spectacle devient expérience. Un vraiu théâtre de la cruauté où on ne voit rien. Sauf soit même.
Les BIB reprennent aujourd’hui Ticket, et ils ont bien raison puisque ce spectacle acoustique est un vrai passeur d’humanité.
« Réflechir sur la condition de vie des migrants, grâce au théâtre »
http://www.franceinter.fr/emission-grand-angle-dans-la-peau-dun-migrant
Après son spectacle sur l’immigration clandestine (Ticket), Jack Souvant poursuit sa démarche radicale où la théâtralité naît d’un rapport de forces, où le corps de l’acteur, comme celui du spectateur, est confronté aux situations les plus extrêmes. Dans sa nouvelle création, remarquée au dernier festival Mimos (Périgueux), six hommes et femmes (formidables interprètes) tentent de gravir des plans inclinés de 4 mètres de haut. Ils luttent contre la gravité, le déséquilibre, le vertige, la peur. Le corps à corps avec la montagne, allégorie de nos peurs, révèle toutes sortes de comportements, téméraires, fraternels ou agressifs. Le groupe ne résiste pas au danger, le public est bousculé par les mouvements du dispositif scénique. Du théâtre physique audacieux, sauvage et violent, profondément émouvant aussi.
FRANCE 3 – MIMOS
LA MONTAGNE – Juillet 2015 – Danser Canal Historique par Thomas Hahn
« La Montagne » du Collectif Bonheur Intérieur Brut
A priori, les six n’ont que quatre mètres à grimper. Mais la piste noire est glissante et inclinée à 37°. Ce qui les attend au bout n’est pas un sommet, mais un symbole. Sa conquête relève de l’exploit physique et mental. A force de s’y essayer par tous les moyens, ils comprennent très vite qu’on s’en sort plus facilement à plusieurs. L’entraide est indispensable.
Entre ciel et terre, sur une pente raide, aucune stabilité ne peut exister. Les corps doivent lutter, les équilibres sont quasiment impossibles et toute ascension se solde par une nouvelle glissade vers le bas.
Ce qui nous emplit d’empathie est donc d’observer comment les six Sisyphe abordent l’escalade et amortissent la chute, comment leurs personnalités se révèlent à travers la lutte contre la gravité. On grimpe et on glisse, on dégringole et on remonte.

À mi-chemin entre horizontalité et verticalité, les corps doivent ici faire appel à l’acrobatie, aux arts du geste et au jeu d’acteur. Ils bénéficient par ailleurs d’une collaboration chorégraphique de Kaori Ito, elle-même habituée à naviguer entre danse, travail gestuel et arts du cirque.
Ce travail sur une surface inclinée ne manque pas de nous rappeler le fameux Plan B d’Aurélien Bory et Phil Soltanoff. Mais La Montagne passe par des sentiers plus âpres, sans aborder la glisse comme un phénomène chorégraphique fluide et léger. Jamais la mise en scène de Jack Souvant et la chorégraphie de Kaori Ito ne cherchent à produire une illusion d’apesanteur. La lutte est âpre, l’effort n’est pas caché. Au contraire, il est au cœur même du propos.
Pour refléter la dimension humaine à laquelle se réfère La Montagne, une chanson de Jacques Brel : La Quête. Les paroles s’écrivent à la craie, sur la surface noire, reflet des zones sombres de l’âme humaine qu’il faut surmonter pour pouvoir se regarder en face et rebondir: « …et puis lutter toujours sans question ni repos /…/ je ne sais si je serai ce héros… »
Rêver un impossible rêve… La Montagne amène une poésie symbolique au cœur de la cité, à un endroit artistique qui se situe précisément là où un festival comme Mimos prend tout son sens. Il y a des pièces comme celle-ci du Collectif Bonheur Intérieur Brut qui s’expriment par le corps, mais dans des situations et des espaces concrets et matériels, pour atteindre une dimension symbolique. Et La Montagne est au moins ceci: une rencontre au sommet entre un mode d’expression et une intention artistique en adéquation avec notre temps.
Thomas Hahn
http://dansercanalhistorique.fr/?q=content/la-montagne-du-collectif-bonheur-interieur-brut
La Montagne au festival Parade(s) de Nanterre – Danser pour combattre la peur
Ecrit par : Laetitia Basselier –8 juin 2016
Le Collectif Bonheur Intérieur Brut s’est fait connaître cette année par son spectacle Ticket, présenté au Musée national de l’histoire de l’immigration. Ce « spectacle documentaire » (suivi d’une discussion) en faveur de la liberté de circulation faisait embarquer le public dans un camion semblable à ceux dans lesquels des milliers de réfugié.e.s, contraint.e.s par des politiques migratoires criminelles, traversent l’Europe au péril de leur vie. En ouverture du Festival d’arts de la rue Parade(s), qui eut lieu à Nanterre du 3 au 5 juin, le Collectif BIB présente une plus ancienne pièce, également politique : La Montagne, créée en 2013 avec la chorégraphe Kaori Ito.
Sur la Place du Marché de Nanterre, le Collectif BIB a installé son dispositif : trois grandes pentes gris anthracite, très inclinées et à l’allure glissante. Le public est debout, rassemblé au pied de l’installation ; beaucoup d’enfants sont présents, des personnes venues par curiosité – et presque tou.te.s resteront. Une forte musique interrompt soudain les discussions. Au sommet de « la montagne » apparaissent peu à peu les six interprètes du collectif, quatre hommes et deux femmes vêtu.e.s dans les gris et les bleus. Bleus, ils se détachent sur le gris de la montagne ; gris, ils dessinent leurs silhouettes sur le ciel encore clair.
Commence alors une chute entravée : chuter pour se relever, courir de toutes ses forces au sommet, chuter à nouveau… Les bras s’agrippent, les corps se renversent, sont aspirés par le ciel, créant des images saisissantes de beauté. De l’effort tangible des interprètes naît l’émotion du public.
Mais l’originalité du dispositif ne s’arrête pas là : rapidement, les interprètes se dispersent, et avec eux le décor. La montagne devient triple, ses pentes roulantes font fuir le public puis le rassemblent à nouveau. Sur chaque pente, des séquences se jouent, et à chacun.e de choisir où porter son regard. Ici, deux danseur.se.s interprètent un maladroit mais passionné tango ; là, un homme aux cheveux gris se fait poursuivre par le croque-mitaine de son enfance ; là encore, deux femmes regardent fièrement vers le ciel, s’épaulent pour se donner courage. Pas de chaos dans la valse des pentes ou le catapultage des saynètes, mais un ballet d’images et d’émotions, qui crée une proximité rarement éprouvée entre le public et les interprètes, mais aussi entre les spectateur.rice.s.
La Montagne m’avait bouleversée la première fois que je l’ai vue, en août 2013 au Festival d’Aurillac. Elle venait alors d’être créée, et avait davantage d’âpreté, convoquant le public à devenir témoin de scènes et discours parfois très durs – sur les humiliations faites aux enfants à l’école, sur le harcèlement sexuel… La pièce semble désormais plus douce, davantage portée sur le courage que l’on se donne à affronter ensemble les épreuves que sur ces épreuves elles-même. J’ai un peu regretté ce manque de contrastes, que ne permet pas de combattre une musique par moments sirupeuse.
Mais La Montagne a toujours les mêmes effets de catharsis et d’encouragement à faire corps pour faire face, à être solidaires pour ne plus craindre nos peurs. Ce spectacle résonne de mille échos, d’autant plus forts dans un contexte politique où la peur est omniprésente. Entre danse, théâtre et cirque, mêlant les gestes aux paroles, La Montagne évoque Yoann Bourgeois, Fragan Gehlker, tou.te.s ces artistes circassien.ne.s qui donnent une intense consistance affective à la lutte avec le poids. L’empreinte visuelle et émotionnelle de certaines scènes est particulièrement forte. Ainsi, quand les interprètes mettent en danse La quête, superbe chanson de Jacques Brel, ou encore quand, à la toute fin du spectacle, ils « se constituent un corps courageux » au milieu du public. A leur départ dans les lointains, une nouvelle fois je me sens remuée et grandie par ce spectacle.
LA MONTAGNE, journal La Montagne – 24/08/2015 – Riom
ORIGINS, Magazine « Pour la science » , Novembre 2014 LA MONTAGNE Journal La Montagne
21/0 8/2013 Journal SUD OUEST , 7/09/2013 « La Montagne »,
un dispositif mouvant et émouvant, le collectif Bonheur Intérieur Brut enchaîne des séquences interrogeant le processus de la peur et du courage. Une réussite. « Les comédiens sortent les tripes, la forme multiplie les inventions. » Philippe Ménard – Sud Ouest
« Le Collectif Bonheur Intérieur Brut a dressé sa Montagne un quasi obstacle philosophique en pleine rue » « La Montagne a offert un moment vibrant au Festival Coup de Chauffe » Aude Gaboriau , Charente Libre
Collectif Bonheur Intérieur Brut – La montagne
Zoom la rue


TICKET Festival PERGINE APERTO (ITALY) Video: http://www.youtube.com/watch?v=PVGhEGoXrt8
7 avril 2016 , EL MOSTRADOR (chili) par César Farah
“Ticket”, por ejemplo, es una obra que se puede instalar dentro del rango del teatro performativo, los espectadores participamos de las acciones que intentan conceptualizar temas que son caros a la realidad social de hoy en Chile y el mundo, así, a través de las calles de Valparaíso vivimos, un grupo de personas, el proceso de las migraciones clandestinas, con promesas, mentiras e incluso una suerte de invasión a nuestra privacidad, en particular, en la medida que el trabajo se sostenía en la acción y relación de los personajes con el público.
En general –debo decirlo- este tipo de teatro me parece funesto y desagradable, sin embargo, en este caso, estaba extraordinariamente bien logrado, porque la intención no era violentar al otro y desarrollar el traspaso de las fronteras actor/espectador porque sí o por ser “diferente”, “ondero”, “cool”, por el contrario, se observaba un trabajo profundo respecto de la relación actriz, actor, audiencia y mundo escenificado, en virtud de completar la obra misma contando con el público.
Las actuación de Andrés Céspedes, abriendo la obra, integraba al mismo tiempo un cierto riesgo, interés e intimidación, la enorme energía (clásica de Céspedes) y la capacidad de controlar a un grupo, a través de las calles y sin perder a su personaje (la primera parte de la obra sucede a través de Valparaíso) solo da cuenta de la solvencia de este actor.
En la segunda parte de la obra, las actrices Ana Catherine Sagredo y Gabriela Fernández lograron producir reacciones en el público y articular la sensación de miedo, angustia e incertidumbre que la situación les imponía, finalmente, Marco Antonio Valencia y Juan Larenas construyen un cierre perfecto a los hechos, particularmente Larenas, quien dota a su personaje de una suerte de realismo profundo, de verdad escénica que no permite escapar de él, que instala una sensación de hechos y acciones que se transfiguran en una verdadera experiencia a partir de lo que sucede en la obra y su trabajo.
Sin duda, el director francés Jack Souvant desarrolla en “Ticket” un trabajo creativo, que apuesta por una mezcla perfectamente equilibrada entre representación y hechos vivenciales que se traduce, como ya he dicho, en una experiencia estética de alto nivel.
Festival Teatro Container, un portazo a la autorreferencialidad santiaguina
Août 2013 Suisse
Immigration, racisme, intolérance : quand le théâtre se saisit de nos luttes politiques et sociales, c’est parfois même pour nous faire voir ce que les médias ne peuvent montrer. Il crée alors une fiction proche du documentaire qu’on observe et garde en mémoire, une fois sorti de la salle de représentation. Mais ici point de salle, ni de représentation. On nous avait prévenu : le tract invitait à un spectacle qui n’était « ni à voir ni à entendre, à vivre tout simplement ».
Sur le visuel, on avait aperçu le visage d’un homme au regard perçant ; un œil attentif le reconnaîtra en la personne du passeur qui nous attend de l’autre côté du Rhône. Traversée du fleuve en bac : la clandestinité attend de l’autre côté. Non, nous ne verrons pas un spectacle « sur les sans-papiers », nous serons eux. Rassemblés sous les arbres de l’île de la Barthelasse face au Rocher des Doms, les candidats à l’expérience bavardent, rient, téléphonent… Jusqu’à l’arrivée du fameux passeur, chaussures en croco et montre clinquante. Il faudra le suivre. Il donne des ordres et il faudra les appliquer. « Je dis : tu cours, tu cours ; tu te baisses, tu te baisses, tu attends, tu attends. Et surtout, tu te tais ».
C’est à ce moment-là du passage dans le petit bosquet de l’île que les sourires tombent. Le collectif Bonheur Intérieur Brut propose deux voyages : ce qui se passera à partir de cet instant dépendra de celui que vous avez choisi. Enfin, choisi… Disons plutôt l’horaire pour lequel vous avez opté. A moins que vous n’ayez eu le courage de revenir.
Les trente minutes qui suivront se déroulent dans le camion où, toujours sans ménagement, on vous aura fait monter. L’une des deux versions vous mettra face à la condition de la femme dans ce genre de situation, la seconde face à celle de deux clandestins tentant la traversée vers l’Angleterre pour la énième fois. Les deux face à notre propre humanité.
Car il y a des comédiens dans ce camion, masqués dans l’obscurité. Et du son aussi, comme une radio diffusant des propos sur la même problématique. Nous ne les aurons jamais écouté aussi attentivement, repères qu’ils sont dans cette situation aussi inconfortable qu’inattendue.
Traumatisante pour certains, marquante pour tous, Ticket est réellement une expérience. De ce théâtre qu’on dit « documentaire ». Ou « action ». Car en plus de montrer une réalité, il met son public en situation.
A sa manière, il pourrait être le prolongement de l’installation plastique de Jean-Michel Bruyère et le collectif LFKs, pour le IN, proposant un parcours d’une petite dizaine de pièces –sas- sur ce thème de l’immigration, du camp et de l’arbitraire.
Sûr qu’en un mois de festival, le collectif, exploitant au maximum des possibilités du lieu, aura touché plus que ne le feront peut être jamais les médias d’information réunis, qui de surcroît, rencontreraient d’immenses difficultés à réaliser un tel reportage. Une bonne piqûre de rappel : « le droit de circuler n’existe pas pour tout le monde. Il y a des terres possédées et des hommes maudits ».
Jack Souvant, le metteur en scène du collectif, souhaite avec Ticket dépasser le « j’y pense et puis j’oublie » : aller plus loin que les mots, ces mots égrainant le nombre de morts dans ou sous un camion en transit pour l’Angleterre.
Mission accomplie. De ce « voyage immobile », nous ne reviendrons jamais vraiment. Et maintenant ?
Arts de la rue comme une fenêtre ouverte… Par Géraldine Kornblum, publié le 28/07/2010
Au festival Chalon dans la rue, éclectique et audacieux, les spectacles de la compagnie Zur, de Luc Amoros, et du collectif Bonheur intérieur brut.
Beau, ce n’est pas le terme qui peut qualifier Ticket du collectif Bonheur intérieur brut, mais l’idée de la révélation demeure. Il n’est plus question d’esthétique. Ici, le spectateur est en partance pour un univers jusqu’alors caché des regards, ignoré, oublié des médias. Que se passe-t-il dans le camion qui transporte les émigrés clandestins passant une frontière ? Viols, cris, souffrances, vols, peur…
Le spectateur nu dans sa solitude
Dehors les bruits claquent, résonnent, les chiens aboient. Le spectateur placé en situation, bousculé, enfermé, entassé, nu dans sa solitude, éprouve toute la gamme de ces sentiments, heureux de savoir que pour lui le voyage aura une fin heureuse. Une fin annoncée lorsqu’enfin les portes du camion s’ouvrent au grand air. Comme une fenêtre ouverte .
France INTER Emission CRUMBLE (02 novembre 2008) http://www.radiofrance.fr/franceinter/em/krisscrumble/
et L’AFRIQUE ENCHANTEE http://www.radiofrance.fr/franceinter/em/afriqueenchantee/
Théâtre On line : Et si vous étiez né en Chine dans un village déserté, au Cambodge sous Pol Pot, au Ghana ou au Mali. Et si un jour, à bout de résistance, vous décidiez de partir, de devenir un « candidat à l’immigration clandestine ». Le collectif Bonheur Intérieur Brut vous propose ce voyage : être, l’espace de quelques instants, dans la peau d’un clandestin. Entre entreprise artistique et expérience humaine, voici une forme neuve, intense qui fera de vous autre chose qu’un simple spectateur. L’idée est lumineuse. Qu’inventer de plus extrême que de proposer à une quarantaine de personnes de devenir, non pas les auditeurs sereins d’un spectacle où tout se joue à distance respectable, mais bel et bien les acteurs inquiets de ce « documentaire fiction », ainsi nommé par l’auteur et metteur en scène Jack Souvant. Alpagués par un facilitateur appelé « King phone », nous sommes entraînés dans un camion qui devrait, si tout va bien, nous emmener vers un eldorado tant espéré. Prisonniers de cet espace confiné, nous sommes à l’affût des moindres bruits, tentant d’imaginer ce qu’implique un départ. Qu’est-ce qui fait qu’un jour, on décide de partir, au péril de sa vie ? Comment devient-on en un instant un étranger ? Que quitte-t-on ? Pour trouver quoi ? L’abîme qui nous sépare de ces migrants est si vertigineux que nous restons perplexes, ne sachant plus bien quel est notre rôle et cette position assez inconfortable nous permet fugacement de nous transporter dans cette :condition d’étrangers, à la merci des passeurs et du hasard. Pour nous y aider, un dispositif sonore à l’intérieur et à l’extérieur du conteneur a été mis en place, l’ambiance est ainsi parfaitement rendue. Notamment tout ce qui se passe en cabine nous apporte une véritable sensation de réel. Dommage que les témoignages de clandestins soient aussi diffusés en bande son et non pas interprétés par les comédiens eux-mêmes, cela aurait gagné en émotion. Deux comédiens sont justement avec nous, leur histoire n’est pas claire. Leur langue, un mélange d’anglais, de français et des langues originales des comédiens, participe à notre incompréhension, notre malaise grandit, notre sensation d’être nous les étrangers, devient troublante et l’on s’engouffre au coeur d’une mise en abyme vertigineuse. Stéphanie Richard
Cassandre « Ticket , par Bonheur Intérieur Brut, nous déporte dans un parcours de clandestins sous la direction d’un passeur qui nous guide dans les dédales de la cartoucherie, jusqu’au camion obscur où nous sommes entassés sans ménagement, par groupe de trente, pour assister à des scènes de violence. Une jeune noire assoiffée subit un viol, un jeune chinois se fait brutaliser. Pétrifiés, sous nos couvertures, nous sommes expulsés sans avoir pu atteindre la terre la terre promise. Un spectacle qui mérite d’être accueilli ailleurs. » Olivier Claude